La raison s'assaisonne des fruits de la passion
La passion arraisonne avec grâce la raison
Les fruit de la passion portent des graines de raison
Les grains de raison germent sans compassion.
Qu'écrire de l'hivers ? De l'alchimie obscure des graines endormies. De la pesanteur des flocons. Des grandes flaques d'eau qui pensent et réfléchissent le monde. Que dire des souffles vaporeux, qui se noient dans les nuages trop bas. Ou du soleil qui nous rappelle la tristesse des éclairages publics. De toutes les saisons c'est l'hivers sans doute qui garde le mieux ses secrets. Que rêvent les bourgeons dans leurs profonds sommeils ? On écrit qu'au printemps, au réveil, car au coeur de l'hivers l'âme elle-même sommeille.
Ecrire comme pour vivre, des bulles d'oxygène dans les points des « i », des accroches dans la page blanche et lisse du réel. Créer des aspérités pour permettre l'escalade.Pour ne pas se noyer. Une prise de hauteur, emprise d'auteur. Réduire le monde, pour s'y cogner, pour ne pas le toucher que dans la mort. Créer des voies, Donner de la voix. Ecrire comme on grave, profondément donner des prises. Toucher l'éternité. Rupestre moderne, à laisser des traces partout, au hasard de papiers déchirés. Gravure dans l'obsidienne mystique d'un disque dur. Je veux une pierre tombale brute comme une page blanche et blanche comme une page brute.
Automne, temps de changement, autre éclairage, tant de changements. Tout se transmute dans la lumière déclinante, du plomb vers l'or. Rayon doré dans les cieux grisâtres.
Être l'arbre, dans une débauche de couleurs décadentes se débarrasser de son apparat, s'en trouver nu, lisse comme peut l'être un hêtre, tortueux et crevassé,mystique des chênes séculaires. Se dresser, car l'arbre se dresse, avec toute la légerté qu'il faut pour combattre la gravité. Hêtre debout.
Allégé de ses feuilles, comme pour mieux résister aux tempêtes de l'hivers, il a cet air royal et austère, cet air de moine, inébranlable, Arbre montagne aux racines profondes.
Grand repos, fatigue peut être d'avoir trop transformer le soleil, repli sur soi, contemplation de sa propre solitude, l'automne est là, et l'hivers vient. Un printemps viendra. Dans le ciel se découpent les branches, que les feuilles masquaient avant.
C'est un homme perdu dans une immensité lisse et infinie , seul. Immobile, Picot d'un cadran solaire que seul éclaire de son éclat blafard, une lune insomniaque. Elle , énorme comme le point d'une phrase écrirait l'univers, parcourt le ciel sans jamais toucher l'horizon. Elle projette sur le sol jusqu'au confins du réel l'ombre de sa solitude. L'ombre qui tourne,et tourne en égrainant un à un les siècle d'un jour infinie.
Il est des rêveurs dont les pieds ne touchent le sol que trop rarement, ballon sans nacelle emporté par le vent...de la vie. De tempêtes en tourmentes et de brises en bises il avance, puis recule, seul dans les mains d'un destin qui n'existe pas. A la dérive, il n'a que des rêves, pour oublier son errance et son impuissance, incapable de se réveiller, même quand il chute dans l'oeil de l'ouragan. Il n'en restera qu'une épave, une bâche déchirée , un sac éventré qu'un arbre séché retiendra au sol. Le temps d'être raccommodé. Pour un nouveau départ sans gouvernail, ni gouverneur, seul et libre dansant dans l'immensité d'un ciel pourpre.
[...] Chaque pas vers l'ébène et l'ivoire le rajeunit, et bientôt tout danse, léger souple et sautillant, doigts déliés fous, à en rêver. Et la musique doucement réveille l'âme, swing endiablé sur le piano noir. Le merle de bois chante, ce soir de pluie, et sur mes joues l'émotion coule. Apesanteur, hors du temps, il a vingt ans. Ses yeux bleus délavés par des décennies de douleurs balayent le vide de l'assemblée, ... il est seul. Sont-il tous partis, où est-ce lui qui s'est envolé en battant du pied comme ceux des cieux battent des ailes ?